Rencontre avec Émilie Blettery

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Administratrice de la compagnie Ks and Co et du Centre dramatique Kokolampoe

Quel est votre rôle auprès du centre dramatique et de la compagnie ?

Un administrateur de spectacle vivant s’occupe de la gestion administrative et financière du projet artistique. Ce qui englobe plusieurs missions. De plus, nous sommes une petite structure : 9 salariés permanents et une vingtaine d’intermittents. De ce fait, le champ de mes activités est assez étendu :

  • La gestion des ressources humaines, que ce soit pour les salariés permanents ou pour les artistes et techniciens intermittents du spectacle. Notamment lorsque nous accueillons d’autres compagnies. D’ailleurs, lorsque les artistes viennent de l’étranger, c’est aussi d’autres démarches administratives (avec la Direction du travail, les consulats, etc.). Faire venir des artistes du Japon, du Brésil ou des États-Unis c’est une autre culture de la GRH à maîtriser. Mais c’est très intéressant.

Avec l’équipe, nous accompagnons aussi nos étudiants et jeunes professionnels, dans la recherche de financement et pour l’amélioration de leur expérience globale au sein de la structure. C’est un projet qui travaille avec l’humain, on ne peut pas l’en détacher. C’est pourquoi, nous essayons de lever tous les freins sur leur parcours et de les accompagner dans leur professionnalisation.

  • Le conventionnement avec le ministère de la culture et la gestion des relations avec les collectivités territoriales, les partenaires privés et bien sur la ville de Saint-Laurent du Maroni.
  • La recherche de financements pour la programmation de saison, les résidences, la création ou la co-production de spectacles.
  • Les relations avec le public, qu’il soit scolaire, professionnel ou issu de la société civile. Je communique sur la diffusion, organise des rencontres avec les artistes, assure l’enregistrement des réservations et l’accueil des spectateurs lors des représentations.
  • La stratégie globale de communication, en lien avec les salariés dont c’est la mission et les prestataires.
  • La logistique d’accueil, de transport, d’hébergement et de restauration pour les équipes qui arrivent en Guyane et mais aussi lorsque nous partons en tournée ou en mission.

 

Qu’est-ce qui vous a amené à travailler pour le Centre dramatique ?

Dès le départ, j’ai été attirée par les métiers de la culture. J’ai d’abord fait un DEUG d’histoire de l’art, puis une licence pro aux métiers des arts et de la culture à l’Université d’Avignon et des pays du Vaucluse. Qui dit être étudiant à Avignon, fait qu’on peut difficilement passer à côté du festival. Que ce soit l’engagement associatif, les stages ou les jobs d’été, tout tourne autour du théâtre. Dans un premier temps, je me destinais plutôt à la médiation culturelle, mais l’expérience du montage de projet artistique m’a fait m’orienter vers un master administration /gestion de projets culturels à l’Université d’Aix. C’est durant cette année d’étude, que j’ai eu l’opportunité de m’inscrire pour un master 2 proposé par l’Université Paris Dauphine aux opérateurs professionnels Guyanais, mais ouvert à quelques étudiants en formation initiale.

Nous sommes donc en 2006 et j’arrive à Saint-Laurent du Maroni, en tant qu’étudiante. C’est ainsi que j’ai rencontré Ewlyne Guillaume et Serge Abatucci, co-directeurs de la compagnie Ks and Co. Dans cette promo il y avait également Vanina Lanfranchi et Didier Urbain de l’Atelier Vidéo Multimédia et du Pôle Image Maroni, Mickaël Christophe pour le Festival Les Transamazoniennes, etc.

Je suis partie en Guyane en me disant, c’est une super opportunité. Je souhaitais faire ma dernière année de formation, ailleurs et découvrir tout à fait autre chose. Je ne connaissais pas la Guyane, mais si ça me plaisait, j’étais prête à rester et voir les possibles. J’ai eu l’opportunité de faire mon stage de fin de master au sein de la compagnie Ks and Co. L’objet de mon stage était le conventionnement « scène conventionnée » avec le Ministère de la culture. Depuis nous avons développé avec Ewlyne et Serge le projet du Centre dramatique Kokolampoe aujourd’hui scène conventionnée d’intérêt national. J’ai pu assister au premier Festival des Tréteaux du Maroni en tant que spectatrice et dès 2007 en tant que membre de l’organisation.

 

Quelle est la spécificité du Centre dramatique ?

Le centre dramatique Kokolampoe a signé une convention d’objectifs avec le Ministère de la culture, et la Ville de Saint-Laurent du Maroni. « Scène conventionnée d’intérêt national » est donc une appellation nationale, comme peuvent en être titulaire d’autres lieux de diffusion. La compagnie KS and Co est elle aussi conventionnée, de façon pluriannuelle. C’est également un label qui existe au national.

La particularité du Centre dramatique Kokolampoe, c’est qu’il n’est pas un dispositif national déposé sur un territoire. Il s’est construit autour d’un projet artistique. Pour la réalisation de ce projet nous développons un certain nombre d’activités, d’où par exemple la nécessité de former et de contribuer à former des professionnels, qui permettent de faire évoluer nos structures. De là, la création du TEK (Théâtre École Kokolampoe), le travail avec l’ENSATT Lyon, le CFPTS à Bagnolet et aujourd’hui avec l’Université de Guyane tombe sous le sens.

Nous sommes amenés en même temps que la recherche et la formation de collaborateurs, à penser aussi les infrastructures.

Ainsi les locaux qui abritent le théâtre ont beaucoup évolué à depuis 2003, date à laquelle s’est installée KS and CO dans le Camp de la Transportation. C’est un défi permanent car il faut trouver des fonds pour donner vie à une structure qui n’a pas son équivalent sur le territoire national. Le premier partenaire qui a véritablement permis d’initier des travaux d’investissement est le programme leader, fond européen animé par la CCOG et porté à l’époque par la Direction de l’Agriculture et des forêts. Cette subvention a été un levier pour nous permettre d’aménager la Case 8 en véritable théâtre. La ville de Saint-Laurent, la Direction des Affaires Culturelles de Guyane et la Fondation EDF ont également été des partenaires importants.

 

Quelles sont vos projets de développement ?

Notre ambition est de continuer à développer les mises en réseau entre les jeunes acteurs et artistes guyanais et les établissements et équipes artistiques de la Grande Région Antilles-Amazonie et d’Europe, de développer des coproductions avec des artistes du territoire et d’ailleurs.

Par exemple, en 2021, nous nouons des partenariats forts avec le Théâtre des Calanques à Marseille, la Maison de la Poésie, Centre de créations pour l’Enfance à Reims, le Théâtre des Halles à Avignon, ETC Caraïbes, Tropiques Atrium, scène nationale de Martinique, etc.

Nous continuerons de développer l’offre de formations aux métiers du spectacle. Nous projetons déjà avec Laurent Gutman, directeur de l’ENSATT Lyon l’ouverture d’une licence professionnelle. Nous réfléchissons avec l’Université de Guyane à l’offre de formation pour les cinq prochaines années.

Nous sommes également partenaires du Diplôme Universitaire de l’Université des Antilles Ingénierie et Administration du Spectacle Vivant, auquel je participe en tant que membre de l’équipe pédagogique.

Le fait est que nous sommes sans cesse dans l’empirique, le départ de la réflexion étant toujours le projet artistique, autour duquel s’articulent les axes de développement. C’est ce fonctionnement atypique et ancré sur le territoire qui fait notre rayonnement.