Interview de Pierre cuq

Pierre, parlez-nous de vos métiers

Eh bien je suis acteur et metteur en scène. Je dirige aussi la compagnie Les Grandes Marées, basée à Vire en Normandie, depuis 2018. Elle est encore émergente mais elle prend de plus en plus de place dans la région.

Cette compagnie porte sa recherche sur quatre axes : les écritures contemporaines par la commande à des auteurs/autrices ou par la mise en scène de textes inédits n’ayant pas de visibilité ; le deuxième axe est l’éducation artistique et culturelle sous la forme d’ateliers de pratique artistique avec différents publics, principalement des adolescents, ce qui explique que nos créations s’adressent très souvent à un public jeune.

La pluridisciplinarité est le troisième axe, c’est-à-dire le lien entre différents arts dont la danse, le théâtre ou même l’audiovisuel.

Enfin, le dernier axe est le développement de projets de territoire. Il peut s’agir de résidences territoriales et de tournées décentralisées, ou encore des interviews auprès d’habitants car ils sont une source d’inspiration pour nos créations.

Pour mon parcours, j’ai fait le Conservatoire de Brest puis celui de Rennes, en cycle professionnel. Par la suite j’ai intégré l’ENSATT (École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre) à Lyon en tant que comédien.

Malgré mon activité de metteur en scène, je poursuis aussi celle de comédien. Grâce à tout cela j’ai eu la chance de travailler avec plusieurs metteurs en scène, tels que Bob Wilson, Jean-Louis Benoit et Jacques Martial. J’ai aussi pu travailler avec des metteurs en scène émergents tels que Lucie Rébéré ou Philippe Baronnet et Maryse Estier.

En tant que metteur en scène, j’ai trois pièces à mon actif. Le premier spectacle que j’ai mis en scène seul s’intitule « Villa Dolorosa » de l’autrice allemande Rebekka Kricheldorf, une reprise des « Trois Sœurs » de Anton Tchekov. Ça a été ma première mise en scène dans le cadre d’un concours à Paris, « Prix théâtre 13 », dont j’ai été lauréat ce qui a permis de me faire connaitre.

Une autre mise en scène, en 2010 puis repris en 2011, sur un texte de Marius Von Mayenburg « L’Enfant Froid », co-mis en scène avec Sophie Engel.

Et « Seuil », que nous venons présenter en itinérance, dans différents établissements de l’Ouest guyanais, est mon deuxième spectacle commandé à Marylin Mattei. Cette pièce a la particularité de se jouer en salle de théâtre mais également dans une forme plus légère, soit en salle de classe.

Ces représentations sont suivies d’ateliers, car l’un ne va pas sans l’autre, puis d’un échange avec les participants.

Qu’est-ce qui vous a mené à créer cette compagnie ?

Mon moteur, en ce qui concerne en tous cas la mise en scène, c’est le jeu. Aider à ce que le jeu des acteurs puisse avoir lieu. Depuis l’enfance, j’adorais jouer et créer des situations.

Et puis je pense que c’est en allant voir des spectacles que mon sens du spectateur et du futur acteur que j’étais s’est aiguisé. J’ai toujours été fasciné par cette capacité qu’ont les comédiens de rentrer dans un personnage, d’incarner plusieurs personnages radicalement opposés de leurs propres personnalités. Ce qui m’a plu c’est le fait de choisir une vie où on en a milles.

Cette dimension de l’imaginaire en moi a toujours été au centre de ma démarche.

Une fois que j’ai accéder à la possibilité d’en faire mon métier j’ai eu l’envie d’accompagner les acteurs, car le frein du métier c’est qu’il y a beaucoup d’appelés mais très peu d’élus, je le dis souvent : 60% du temps du métier de comédien c’est de chercher du travail.

Et puis j’ai aussi eu l’envie de créer mes propres projets, mon univers esthétique et d’assouvir cette envie d’aller au bout d’une direction d’acteur. C’est pourquoi j’ai créé ma propre compagnie, où on invente un peu ses lois, son histoire, son imaginaire. Afin de penser avec moi les spectacles, j’ai rassemblé autour de moi des créateurs son, lumière, scénographie.

Cette compagnie, encore jeune, prend de l’ampleur et je m’étonne tous les jours de pouvoir me créer du travail, ce qui est une satisfaction car le travail qu’il est difficile à avoir en tant qu’acteur je peux le fournir.

De plus la compagnie accompagne ses comédiens à l’insertion professionnelle, elle a une valeur de formations auprès des jeunes.

Comment avez-vous connu Kokolampoe?

Ma rencontre avec Ewlyne et Serge s’est faite grâce à Jacques Martial et Nicole Aubry. En 2014, Jacques et Nicole m’ont proposé de faire partie d’une création qui allait sillonner les Caraïbes. En sortie d’école nationale, c’était une occasion exceptionnelle. J’ai donc rencontré toutes l’équipe de Kokolampoe à ce moment. Il s’agissait de la création de la première promotion sortante du Théâtre Ecole Kokolampoe (TEK), un travail autour du « Songe d’une nuit d’été » de William Shakespear, intitulé « Le songe d’une autre nuit ».

Cette aventure, qui a duré près d’un an, à été incroyable. Nous avons fait l’aller-retour entre la Guyane et l’Hexagone d’octobre à juin 2014 pour créer ce spectacle.

La particularité de cette pièce est qu’elle pouvait être joué en français et en saamaka ce qui a créé un message puissant de parcours de langue et d’histoire. J’y ai beaucoup appris.

Avez-vous d'autres projets à venir?

Cette saison, en tant que comédien, je joue dans un spectacle intitulé « L’Aiglon » d’Edmond Rostand, mis en scène par Maryse Estier. La création s’est faite en novembre dernier au Théâtre Montansier à Versailles. C’est une pièce fleuve sur Napoléon II qui n’a jamais régner et qui traite de l’héritage, du poids du père, du passé, une fresque en alexandrin de trois heures et demi.

Du côté mise en scène, je tourne avec le spectacle « Seuil » qui sera bientôt diffusé en Guyane. Il s’agit d’une création de mars 2021 et qui n’a pas loin de soixante-dix dates pour cette saison en Normandie et également à Théâtre Ouvert, à Paris. Nous allons également la jouer à Avignon, cet été, au Théâtre du Train Bleu.

Aussi, cette année je crée un nouveau spectacle, « Rouge dents », un texte commandé à Pauline Peyrade. Un projet théâtre et danse ayant pour thématique le regard féminin ou « qu’est-ce que de se construire aujourd’hui en tant que femme face à la dictature de l’image ». Il s’agira de la troisième pièce de la compagnie qui sera en résidence à la Halle Ô Grains, à Bayeux, où je suis artiste associé pour cette saison.

Avez-vous une citation qui vous inspire?

« Ce qui compte c’est la vie. Oui, la vie seule. Sa découverte incessante, éternelle, le processus de cette découverte et non la découverte tant que telle ».

Fiodor Dostoïevski, L’idiot-Tome 1

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