Alfred Alexandre

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Quel est votre métier ?

Je suis une autrice, mais je ne le vois pas comme un métier, plus comme ma façon d’être au monde, de l’attraper. Je me définis comme quelqu’un qui fait face au réel, par rapport à tout ce que je peux en percevoir. Et je le restitue sous différentes modalités ; que ce soit un film documentaire, de l’écrit ou une performance, mais toujours avec une écriture poétique.
Mon statut d’autrice me permet de survivre à la société contemporaine que je trouve brutale.
J’habite en permanence un état de colère, comme si je portais un volcan en bandoulière. Cette colère a pris corps petit à petit, en comprenant comment je suis devenue noire et femme… Alors le fait d’entrer en écriture, de passer par la création, m’a permis de survivre et d’être en paix avec les gens que je côtoye.

Comment vous est venue l’envie d’être autrice ?

Enfant, on a l’intuition de ce que l’on veut devenir, la société (le système scolaire) te pousse à rentrer dans un moule, avec des modèles de réussite et d’échec. On perd un temps fou à ne pas écouter ce que les jeunes ont à dire. Ado, j’avais un carnet d’écriture, où je griffonnais déjà des poèmes et des mots. J’y avais inscrit en vert « je veux être artiste ». A la faveur d’un déménagement, des décennies après, j’ai retrouvé ce carnet et ça m’a beaucoup émue. J’avais oublié ce vœu, mais il a fait son chemin.
Je n’ai jamais eu de plan de carrière. Les choses se sont faites naturellement et un jour je me suis rendue compte que j’étais artiste. Avant, j’ai été attachée de presse, puis journaliste. Mais le journalisme ce sont des faits, une façon de raconter, un moule. Or, je cherche toujours à dire autrement les choses, à raconter ce qu’il y a derrière les faits. Alors j’ai glissé vers la réalisation, et j’ai affirmé cette écriture poétique et politique autour de l’afro-descendance, un thème qui m’a toujours intéressée.
Aujourd’hui, je peux dire que c’est ce qui me nourrit… et qui me pompe aussi.

Comment s’est faite la rencontre avec Kokolampoe ?

En 2014, j’étais au théâtre des Halles pour la création de la pièce « Le temps suspendu de Thuram». Alain Timàr, le metteur en scène, me présente un comédien en me demandant « A qui il te fait penser ? A Kadhafi voyons ! Ça te dirait d’écrire une pièce sur Kadhafi ?»
C’est un peu résumé, mais c’est comme ça que j’ai fait la connaissance de Serge Abatucci, puis d’Ewlyne Guillaume et d’Emilie Blettery.
A la suite de cette rencontre, il y a eu une première résidence d’écriture en 2019 au Centre dramatique Kokolampoe, puis une seconde en Martinique début 2021.
Le texte abouti, a été présenté en lecture publique à Tropiques Atrium, à Fort-de-France en mars, puis au Festival OFF d’Avignon en juillet.
Ecrire « Moi Kadhafi » a fait écho à mes colères ancestrales. Dans cette pièce, je parle depuis moi-même, Afro-descendante, qui a eu pour parent La-honte et La-colère. Je ne m’intéresse pas aux polémiques politiciennes que Kadhafi a pu susciter, mais à sa vision panafricaine, anticolonialiste et anti impérialiste. J’ai beaucoup lu sur la Lybie en amont. Je n’étais pas là pour faire le portrait de l’homme politique, mais bien de la façon dont il a exprimé la frustration des peuples, l’internationale des dominés. Les peuples caraïbéens se retrouvent dans ce combat contre l’hégémonie occidentale.

Que vous apporte l’écriture théâtrale, par rapport à d’autres formes de création ?

Ce que j’aime dans l’écriture théâtrale, c’est que tout se passe au moment présent, tout est vivant. On est entre nous, le plateau et la salle. Je n’ai pas beaucoup d’expérience en écriture théâtrale, mais j’aime cette ambition de créer un nouveau monde et de faire monde avec le public, les comédiens, la régie. C’est un espace de ré-invention, une relation directe. Pour moi, c’est une jubilation que je ne retrouve pas dans l’écriture littéraire ou la réalisation documentaire. On touche à quelque chose de mystérieux qui est en nous. Federico Garcia Lorca disait qu’il fallait bruler les rideaux des théâtres pour confondre ces 2 espaces : scène et plateau. Jeune, j’avais été saisie en lisant ces mots.
J’ai adoré la dernière partie de la résidence de « Moi Kadhafi » pour ça. Avec Serge, Alain Timàr et Alfred Alexandre, qui m’assistait sur la dramaturgie, on était ensemble pour mettre sur pied un nouveau monde.

Vous êtes en Guyane pour tourner un documentaire, pourriez-vous nous en dire quelques mots ?

En fait, je réalise actuellement une série documentaire littéraire de 70 épisodes de 6 minutes. J’ai sélectionné 14 livres antillo-guyanais et, dans chaque livre, j’ai pris 5 extraits qui seront lus par un comédien ; ce qui permettra au téléspectateur de plonger dans la langue et l’univers d’un auteur. L’idée, c’est de documenter chaque extrait avec non seulement des situations de la vie nos territoires, mais également des témoignages de personnes lambda sur chaque thématique abordée. C’est de la poésie documentaire et politique, arrimée au réel.
J’ai également sorti un recueil de 4 longs textes poétiques : « Eclaboussure » qui parle de nos errances, des rivages arrachés, des noms qui nous ont été volés, de nos quêtes de jarres remplies d’or et du pays qui m’habite : la poésie.
En novembre, à Paris, Nantes et Bordeaux, dans le cadre du Mois Kreyol, je vais performer sur scène un de ces textes, dans une forme chorégraphique.

Pour finir, quelle citation aimeriez-vous nous partager ?

Une citation extraite de la pièce de théatre « Noces de sang », de Federico Garcia Lorca :
« Tant qu’on est vivant, on se bat ! ».

Co-directeur du Centre dramatique Kokolampoe, comédien, scénographe

 

Cette interview avait été réalisée et publiée en septembre 2020, sur notre page Facebook, à l’occasion de l’ouverture de la saison.

Qu’est-ce qu’un Centre dramatique ?

Les centres dramatiques nationaux sont nés en 1946, au lendemain de la libération. La politique de décentralisation théâtrale avait pour but de redynamiser les régions en apportant du lien social, à travers le théâtre populaire. Un des artistes précurseurs de ce mouvement fut Jean Villar, à qui l’on doit le festival d’Avignon. Par une démarche volontaire d’artistes et de politiques, le théâtre sort des « hauts lieux culturels » pour rencontrer la vie, entrer dans le quotidien des français.

Comment est née l’idée d’un Centre dramatique à Saint-Laurent ?

C’est véritablement la rencontre entre les artistes et Léon Bertrand, maire de Saint-Laurent à l’époque, qui a permis à cette structure de voir le jour. Tout d’abord sous le prisme de la musique, puis progressivement le théâtre a trouvé sa place, dans un projet structurant pour cet espace multiculturel. Il s’agissait d’accompagner les jeunes à écrire et dire leur culture, tel un laboratoire, d’où ont émergés les premiers acteurs qualifiés.

Quels sont les enjeux du label scène conventionnée ?

Kokolampoe scène conventionnée pour un théâtre équitable, se construit dans une idée de formation et de quête d’excellence. Si le conventionnement ministériel est une reconnaissance, c’est aussi un contrat d’objectifs :

– accueillir des spectacles nationaux (hexagone et dom), des résidences d’artistes venus du monde entier, mener des expérimentations pour l’exploration du théâtre sous toutes ses formes et dans tous ses métiers

– être dans la transmission à travers des formations universitaires de haut niveau et des masterclass, avec le partenariat de L’ENSAT, de l’université de Guyane et d’autres théâtres écoles de renom, et ainsi faire sortir des professionnels du spectacle qui vivent de leur art, malgré la conjoncture locale

– relever le défi de continuer à s’inscrire dans le melting-pot culturel et linguistique unique de l’ouest guyanais

C’est cette synergie qui donne au centre dramatique Kokolampoe cette couleur si particulière et lui permet de contribuer au développement culturel et économique du territoire.

Quid de son encrage sur le territoire régional justement ?

Le centre dramatique Kokolampoe, établissement d’intérêt national, fruit de la politique de décentralisation, est d’autant plus imbriqué et impliqué dans le territoire, qu’il n’est pas soumis comme les CND, à la nomination ministérielle d’un directeur pour 3 ans.

Dans les Antilles et en Guyane, on assiste à la naissance d’un schéma régional fortement ancré dans son territoire, avec un dialogue qui se construit avec les pays de la caraïbe et le Suriname.

Directrice de IUFC, Université de Guyane

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre rôle au sein de l’Université ?

Depuis février 2021, je suis la directrice de l’Institut Universitaire de Formation Continue. A l’origine, je suis enseignante agrégée d’anglais ; j’enseigne la civilisation britannique. Je suis arrivée en Guyane en 2015, au moment de la création de l’Université. J’ai la responsabilité de la filière langue, qui regroupe 3 licences : anglais, LEA et licence professionnelle tourisme. La filière langue est celle qui rassemble le plus grand nombre d’étudiants. Je contribue à l’élaboration et à l’écriture du contenu de ces formations.

Étiez-vous présente lors de la création du DUPMA ?

En effet, je suis là depuis le début. Tous les DU doivent être rattachés à une composante de l’Université et celui-ci est rattaché au département lettres et sciences humaines. C’est à ce titre, que le directeur de l’IUFC de l’époque avait dirigé Serge Abatucci et Ewlyne Guillaume vers moi, en tant que directrice adjointe du département lettres. J’ai participé activement à la naissance de cette formation et à l’écriture de la maquette. Mais la difficulté a été de mobiliser les professeurs du département lettres et sciences humaines sur ce projet. J’étais membre élu des instances de décision et j’ai eu l’honneur d’en présenter la maquette en commission.

Pourquoi vous êtes-vous investie dans ce projet ?

Il me tient à cœur, parce que j’adore le théatre. Je m’y suis vraiment engagée à titre personnel. J’étais prête à venir à Saint-Laurent pour donner des cours sur le théâtre shakespearien. Le défi que j’ai aujourd’hui en tant que directrice de l’IUFC, c’est d’associer plus étroitement les collègues du département LSH à ce DU.

Ce qui me plait dans la démarche du Centre Dramatique, indépendamment de la collaboration administrative et pédagogique avec l’Université, c’est ce projet de transformer un lieu d’enfermement et de souffrance, en un lieu d’art et d’ouverture. C’est symboliquement fort.

Quelles ont été les retentissements de la crise sanitaire sur les formations de l’IUFC ?

Elle a fait évoluer l’organisation des formations vers le format hybride : une part des cours en présentiel et une autre à distance. Pour cela, l’université a acquis une licence zoom par formation. Dans le cas du DUPMA par exemple, il y a beaucoup d’intervenants professionnels extérieurs, cela représente un certain budget de les faire venir. Réduire la part des cours en présentiel, permettrait de diminuer le coût des formations et d’ouvrir l’accès à un plus grand nombre d’étudiants.

C’est pourquoi, nous travaillons à la mise en place d’une plate-forme de mentoring, qui permettrait aux étudiants d’avoir un suivi personnalisé à distance pour l’ensemble des filières.

Quels sont les perspectives d’évolution de l’offre de formation pour les métiers du spectacle ?

Nous avons échangé avec l’ENSATT, partenaire de la formation, à ce sujet. Sur le prochain contrat quinquennal de l’Université, il est difficile d’envisager l’ouverture d’autres formations ou la transition cers une licence ; du point de vue financier ou des ressources humaines. L’idée aujourd’hui, est de mener à bien une seconde promotion pour avoir un certain recul sur la formation et ses débouchés. L’Université fera un bilan pédagogique et une enquête auprès des diplômés à N+1. Nous aurons alors suffisamment d’éléments pour inscrire ce DU au niveau des répertoires spécifiques ou nationaux. Ce qui permettra d’avoir le soutien de la profession et de diversifier les possibilités de recrutement et de financement.

Ce qui est important également, c’est de renforcer les liens avec les Universités des Antilles (Guadeloupe et Martinique), afin que les étudiants et les compétences puissent davantage circuler.

Comment envisagez-vous le recrutement de la deuxième promotion ?

La première étape est la candidature sur la plate-forme e-candidat. Ensuite, un entretien est absolument nécessaire, car la formation est très exigeante et payante. Il est important de recevoir les candidats, interagir avec eux pour savoir “ce qu’ils ont dans le ventre”.  Le DUPMA est sur 2 ans et demande beaucoup d’investissement ; il faut être passionné ! Des jurys de sélection seront organisés en collaboration avec l’équipe du Centre Dramatique en présentiel ou en visioconférence. Notre ambition pour les étudiants, c’est la réussite.

Régisseur

Pouvez-vous nous parler de votre métier ?

Ce métier, c’est ma passion. Ce qui me passionne, c’est la polyvalence. On touche à tout ce qui fait le spectacle. Moi, j’ai commencé à jouer de la musique à l’âge de 12 ans. Aujourd’hui, même si je ne suis plus musicien à plein temps, je suis dans la continuité. Travailler sur le son, la lumière, le plateau, c’est créer une autre forme de musique. Bien sur en tant que technicien, on balaye plusieurs aspects, mais chacun a son domaine de prédilection et moi c’est le plateau, les installations, les constructions, participer à la scénographie. C’est vraiment mon truc.

Comment êtes-vous arrivé au centre dramatique ?

Je suis arrivé en 2012 pour la première promotion de la formation de technicien du TEK. Il y avait 8 techniciens et 15 comédiens. Je faisais partie d’un groupe et j’étais musicien. c’est comme cela que j’ai rencontré Serge Abatucci. Il venait régulièrement au village participer à nos fêtes et assister à nos concerts. Il nous a invité à voir des spectacles au théâtre. J’y ai été avec des membres du groupe et ça m’a plût. Un jour, il m’a parlé de l’ouverture de la formation. Ça m’a tout de suite intéressé, car c’était en rapport avec le spectacle ; il y avait un peu tous les domaines techniques (électricité, menuiserie…) un peu comme je faisais déjà avant, mais c’était structuré.  Alors, je me suis dit que j’allais essayer. J’ai fait trois mois de stage probatoire, durant lequel j’ai suivi la formation de comédien avec Ewlyne Guillaume. C’était lourd et rigoureux, mais ça m’a permis de comprendre la place des comédiens. Et puis la formation technique a commencé.

Qu’est-ce que cette formation vous a apporté ?

Les trois premiers intervenants m’ont particulièrement marqué : Pierre Mélé, Marc Simoni et Pascal Laajili. C’est vraiment auprès d’eux que j’ai développé mes compétences techniques. Ce sont des professionnels avec un grand savoir-faire et qui m’ont montré l’étendue des possibilités du métier. Parfois, je prenais plus de temps que les autres pour comprendre une notion, mais j’étais super motivé. Alors Pascal proposait de rester une heure de plus avec moi à la fin des cours, pour approfondir. Tout ça m’a beaucoup aidé.

Quel a été votre moment marquant ?

À vrai dire, c’est un spectacle, celui de la promotion 2014 : l’Illiade. J’étais à la fois technicien et comédien. La scénographie était très complexe, mais justement c’était excitant de travailler dessus. Je suis vraiment fier d’y avoir participé. Il y en a quelques photos sur le site internet Kokolampoe.fr.

Après votre formation, vous auriez pu partir travailler ailleurs, qu’est-ce qui vous a convaincu de rester ?

En 2013, alors que ma formation n’était pas terminée, on m’a proposé un contrat de 20h par semaine. Je travaillais après les cours et sur les spectacles. Ça m’a permis de me familiariser plus vite à l’environnement et finalement je m’y sentais bien. Alors lorsque la formation s’est achevée, j’ai accepté un poste à temps plein. Mais j’ai quand même un peu travaillé à l’extérieur, notamment au Festival de Cognac en 2015 en tant que technicien et au Festival d’Avignon en 2014 en tant que comédien. C’était de bonnes expériences. Et puis, ici, je travaille sur le FIFAC. Il y a beaucoup à faire en Guyane.

Qu’en a pensé votre entourage lorsque vous avez choisi cette voie ?

Jusqu’à maintenant, il y en a qui ne savent pas ce que je fais. Mais ils s’intéressent, ils viennent voir les spectacles, ils me demandent en quoi ça consiste exactement. Aujourd’hui, je suis régisseur et je m’occupe de tous les aspects nécessaires au bon déroulement technique des spectacles, avec Serge Abatucci, qui supervise le tout. Il y a beaucoup à faire et à gérer : l’entretien du matériel, des bâtiments, la sécurité des cases, accueillir les artistes durant leur séjour en résidence, manager les équipes qui viennent en renfort sur les événements…

Quel regard portez-vous sur l’évolution du centre dramatique depuis 2012 ?

Le Centre s’est beaucoup développé ; les spectacles et le festival des Tréteaux du Maroni gagnent en qualité tous les ans, que ce soit sur l’organisation générale ou la technique spécifiquement. Il y a plus de spectacles et plus de demandes de résidence. Ce qui est bien, c’est qu’il y a aussi de plus en plus de saint laurentais qui viennent et qui s’intéressent au théâtre. Et pas seulement pour voir des spectacles, mais aussi pour apporter quelque chose, comme Samuel Selig et les jeunes sans limites, qui participent à la scène ouverte des Tréteaux. Maintenant, il faudrait que cette évolution se ressente aussi dans les installations. Pour l’avenir proche, mon souhait serait qu’on ait une plus grande salle pour pouvoir accueillir plus de public. Il est là, il est demandeur et de plus en plus souvent on ne peut pas tous les recevoir. Ça serait vraiment une belle évolution.

Quel est votre métier ?

Mon métier principal, c’est costumier. Je travaille pour des compagnies de théâtre, le cirque ou l’opéra ; de temps en temps pour le cinéma ou la danse. Un peu tout ce qui est lié au costume de scène. J’aime cette variété du spectacle vivant. Je découvre de nouvelles approches, avec des moyens différents. Par exemple, en venant à Saint-Laurent, j’amène le savoir-faire et l’exigence que j’ai acquis à l’opéra. Et inversement, lorsque je retourne à Paris, je ramène avec moi la créativité qu’on a ici, la capacité à s’adapter, à être rapide et efficace. C’est toujours intéressant de faire communiquer les régions à travers le spectacle.

Parallèlement à cela, je porte le projet artistique d’une compagnie, les anthropomorphes. Nous réalisons des performances, qui passent souvent du costume. C’est partie d’une envie d’aboutir à des projets qui soient complètement les miens, car je pense que pour rester créatif, c’est important de créer pour soi. Ça nourrit aussi pour apporter aux compagnies avec lesquelles on travaille. Pour moi, tous les gens de spectacles sont des metteurs en scène, car chacun met en scène à son niveau : en tant que costumier, on amène des costumes qui vont sur scène, les comédiens y apportent leurs idées. D’ailleurs, les metteurs en scène sont souvent d’anciens comédiens. Les gens de la technique sont aussi des artistes, et on a tous quelque chose à raconter, à apporter. On peut avoir des points de vue différents et qui amènent autre chose à l’ensemble.

En plus de cela, je fais de la scénographie, je monte parfois sur scène également, selon les projets.

Vous avez toujours voulu être costumier ?

En fait, j’ai commencé par des études scientifiques. J’ai fait une prépa en biologie, domaine que j’aimais beaucoup. Mais, je n’aimais pas du tout la prépa. J’ai rencontré quelqu’un qui faisait des vêtements et j’avais besoin de voir autre chose. Alors, un peu sur un coup de tête, j’ai décidé de m’inscrire dans une école pour apprendre à en fabriquer moi-même, je trouvais cela très créatif, ça me fascinait. Je suis donc renté à ESMOD à Paris. C’est une école très orientée stylisme modélisme. Je me suis vite rendu compte que le milieu de la mode n’était pas fait pour moi, que je n’avais rien à y apporter et c’était assez réciproque ! Heureusement, il y avait une troisième année de spécialisation en création scénique. J’ai alors entendu parler de l’ENSATT, j’ai tenté le concours et je l’ai eu. Ça été la révélation, je m’y suis tout de suite senti chez moi.

Il ne s’agissait pas que des costumes, mais être avec des étudiants dans d’autres filières du spectacle (comédie, lumière, son). Cette rencontre avec d’autres métiers et d’autres façons de travailler, j’ai trouvé que c’était extraordinaire. Dès ma sotie de l’ENSATT, j’ai été embauché et ça fait dix ans que ça s’enchaine, notamment grâce à l’ENSATT.

C’est un métier que je trouve passionnant, j’aime la couture certes, mais encore une fois les rencontres sont un élément central. Par exemple sur le spectacle de La Véridique Histoire du petit chaperon rouge, sur lequel je travaille actuellement, est également présent un scénographe camerounais, Dieudonné Focou. Il fait des choses extraordinaires et complètement différentes de ce que j’ai pu connaitre, c’est très enrichissant. Et évidement, il y a également les voyages, dans tous les sens du terme, qui permettent de découvrir de nouveaux endroits, que ce soit par les tournées en France métropolitaines ou en allant aussi loin qu’en Guyane. J’ai découvert des lieux que je n’aurais pas connus autrement et c’est vraiment génial.

Comment s’est passée votre rencontre avec le théâtre ?

C’est l’ENSATT qui m’a appelé et m’a proposé de travailler sur Le Songe d’une autre nuit. Je me suis demandé pourquoi moi ? J’ai une petite théorie là-dessus ; j’avais fait mon mémoire sur la manière dont les costumiers pouvaient être utiles à la rencontre entre les cultures et j’ai toujours pensé que le choix de me contacter devait être lié à ce mémoire. Quand on m’a parlé du montage de cette pièce en Guyane, avec des étudiants en fin de cursus, j’ai répondu oui sans aucune hésitation. J’étais prêt à partir dès le lendemain si nécessaire.

Mes premières expériences professionnelles se sont déroulées en Arménie ou en Finlande, donc être dans l’inconnu n’était pas une nouveauté. Mais l’inconnu guyanais n’est pas l’inconnu finlandais… Avant de partir, j’avais rencontré Jacques Martial, le metteur en scène, quelqu’un de passionnant. Du coup mon premier contact avec la Guyane, c’était à travers lui, qui m’a raconté son vécu.

Ma mission était double lorsque je suis arrivé : faire les costumes pour ce spectacle de fin de promotion et parler du costume aux étudiants, en tant qu’intervenant. Qu’est-ce qu’un costume, comment ça s’utilise ? Ce ne sont pas juste des vêtements. C’était une grande première pour moi, j’avais un peu la pression, car comme pour tous les projets, j’avais vraiment envie de réussir. J’ai appris à adapter ma façon d’aborder le sujet avec des étudiants non-costumiers.

Pour la partie costume, nous étions trois : il y avait une stagiaire de l’ENSATT, guyanaise d’origine et Sueli qui s’occupait des costumes au théâtre. J’ai apprécié leur présence et leur soutien. Ensemble, nous avons beaucoup travaillé et nous sommes même allés à Paramaribo, acheter du matériel. La rencontre avec le bagne aussi était particulière, car j’en avais entendu parler, mais il ne faisait pas parti de ma réalité.

Aujourd’hui, je reviens et tout cela est encore présent, mais ce qui me paraissait être l’aventure il y a sept ans est devenu la maison. Depuis ce premier projet, je reviens quasiment tous les ans. J’ai pris mes habitudes. La case costume a pris de l’ampleur et s’est professionnalisée et le camp m’est devenu plus familier.

Y a-t-il un spectacle qui vous a plus marqué qu’un autre ?

J’ai fait deux fois des sorties de promotions, deux fois du Shakespeare. Et j’ai également travaillé sur les créations du centre dramatique, en particulier sur les textes de Gustave Akakpo. C’est une rencontre littéraire qui m’a marqué, même si je ne l’ai jamais rencontré en vrai. Je trouve que ses textes sont vraiment très contemporains, tout en étant faciles d’accès et sans renoncer à l’exigence au niveau de l’écriture. C’est un peu mon idéal de théâtre contemporain, qui raconte avec une langue nouvelle, des choses d’aujourd’hui. Parce que ce n’est pas juste un auteur africain, c’est un auteur d’aujourd’hui et je trouve qu’il y a une certaine résonance de ses textes ici. A chaque fois c’est un plaisir de voir la mise en scène qu’en fait Ewlyne Guillaume et le travail des comédiens.

Quelles sont vos projets ?

Pour moi, c’est une année assez particulière, parce que cela fait dix ans que j’ai commencé à travailler. J’ai rempli les objectifs que je m’étais fixés professionnellement. C’est donc le bon moment pour faire le point et voir comment j’ai envie de mener ma carrière pour les dix prochaines années. Il y a potentiellement un projet avec Jacques Martial à la saison prochaine, pour lequel je ferais les costumes. Et je trouve assez génial de collaborer à nouveau avec Jacques, en Guyane, sur un spectacle très différent, mais qui sera aussi très beau.

Et puis j’ai aussi envie de donner plus de place à ma compagnie, je pense que je me plairais à répartir mon temps autrement. Peut-être présenter quelque chose en Guyane, au centre dramatique. J’aimerais beaucoup.